Norbert Nabet ne craint pas de poser les vraies questions, celles qui forcent une prise de conscience. Après ses années de médecine, il décide de choisir la santé publique, persuadé que la santé n’est pas uniquement l’affaire des médecins mais englobe tout un écosystème d’acteurs différents qui doivent s’engager autour des patients. Il est venu à la conférence Invivox évoquer la crise que traverse actuellement le système de santé et apporter ses idées sur les pistes à suivre pour le réparer et renouer avec le progrès.
“Est-ce qu’on va réussir en France à rester encore longtemps à l’abri du progrès ?”
Norbert Nabet, Conseiller en Santé Publique au Ministère des Solidarités et de la Santé, Président de l’association “Sourire à la Vie”
Pour comprendre la crise actuelle du système de santé, il faut revenir en arrière
Jusqu’aux années 80, la médecine se développe rapidement grâce à l’arrivée de nouveaux outils et traitements. L’espérance de vie augmente et apparaissent alors les pathologies chroniques. On dépense de plus en plus mais cela ne pose pas de problème car la croissance économique suit. Les dépenses de santé sont même un indicateur de vitalité économique dans les pays de l’OCDE.
A cette époque, la formation médicale se fait via l’acquisition de connaissances académiques (nombreuses !) et le compagnonnage. La formation continue n’est pas encore organisée.
Mais au début des années 80, le PIB s’effondre alors que les besoins de santé continuent d’augmenter. Le système se crispe et on entend parler de régulation et d’organisation. Des notions comme la prévention font leur apparition. Les lois se suivent au cours des décennies : loi HPST, loi sur la modernisation du système de santé, ou récemment Ma santé 2022. On créé les ARS. Après avoir travaillé chacun de son côté, l’enjeu est de casser les silos et de parvenir à collaborer.
De son côté, la formation n’a pas vraiment évolué pour répondre à ces nouveaux défis. Norbert Nabet raconte que pendant ses dix années d’études de médecine, il n’a jamais vu d’association de prévention, ni d’entreprise ou de médecin libéral.
La crise actuelle est liée au fait que l’on n’a pas réussi à prendre les bonnes décisions au bon moment. Si on ne réagit pas rapidement, on pourrait se diriger vers une crise bien plus grave.
Les défis de la révolution numérique
Il faut embrasser la révolution numérique. La data est partout et il faut apprendre à s’en servir. Aujourd’hui, on est capable de diagnostiquer une maladie avant les complications et les signaux graves, voire même avant sa possible apparition. On peut faire des diagnostics cardiovasculaires via un fond d’œil. Norbert Nabet a développé un test salivaire pour diagnostiquer l’endométriose alors que cette maladie très invalidante est l’objet d’une véritable errance médicale.
Ces nouveaux outils redistribuent le rôle de chacun : le diagnostic qui était fait par un médecin auparavant pourra être fait demain par un biologiste par exemple. La télémédecine permet de désengorger le flux de patients dans les services d’urgence en leur offrant le confort de rester chez eux. Quelles conséquences cela aura sur l’organisation et la logistique du système de soins ?
On fait quoi ? Des pistes pour agir
Il faut créer une culture numérique en France
Tout d’abord, il faut prendre conscience que très bientôt le numérique, la biologie moléculaire et la génomique auront infiltré toutes les spécialités médicales. Il y a beaucoup d’argent dans le numérique et les changements vont se faire très rapidement. Il faut donc créer une culture numérique en France et contrer les réticences et les peurs. On ne peut pas se permettre de rester sur nos gardes alors que les autres pays prennent de l’avance.
“Sans confiance, il ne peut pas y avoir d’usage !”
Il faut mettre en place des modules agiles, rapides, coopératifs
La formation est absolument essentielle et ce dès le début des études de médecine. Il faut mettre en place des modules agiles, rapides, coopératifs. Il faut repérer les champions, faire venir des talents et pas uniquement des médecins, mais aussi des ingénieurs, des logisticiens, des data scientists.
Il faut aussi bien sûr développer les infrastructures comme le cloud computing et se donner toutes les chances que ces nouvelles technologies puissent s’implanter chez nous.
Faire que la médecine regagne en humanité
Nous devons nous donner un objectif clair : faire que la médecine regagne en humanité. En nous libérant du temps, les technologies doivent nous servir à retrouver de l’humanité, de l’empathie et une relation de qualité avec les patients.
“La machine ne remplacera pas le médecin, mais il est évident que le médecin sans machine sera remplacé par celui qui a appris à s’en servir.”
rappelle Norbert Nabet. Les nouvelles technologies sont porteuses d’avancées extraordinaires en santé et il est de notre devoir de les proposer à tous les patients – et donc de se former à les utiliser – sans quoi, il n’y aura pas d’égalité des soins.
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