Vulgarisation médicale

What’s up pour les infirmier.e.s en pratique avancée en 2022 ?

Le rôle des IPAs s’apparente plus à celui d’infirmier clinicien car en France les IPAs n’ont pas l’accès à la population.

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Julie Devictor
Infirmière en pratique avancée en oncologie et onco-hématologie, Présidente du CNP IPA
Tatiana Henriot
Infirmière en pratique avancée, PCS, Présidente de l’UNIPA
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Anne Perette-Ficaja
Directrice de la rédaction Infirmiers.com

La pratique avancée est née aux Etats-Unis dans les années 60 pendant la guerre du Vietnam avec le manque de médecins et la revalorisation des infirmier.e.s à qui on a demandé d’exercer des rôles avancés de manière autonome. Cette pratique s’est déclinée avec des infirmières cliniciennes dans le domaine de la psychiatrie afin d’aller vers des populations précaires ou isolées. Cette pratique s’est ensuite développée dans d’autres domaines dans les pays anglo-saxons. Qu’en est-il en France aujourd’hui ? Cette conférence a proposé un état des lieux de la pratique avancée et des attentes des infirmier.e.s.

« Il faut arrêter de morceler les parcours de soins. Les infirmier.e.s n’ont pas la même vocation de spécialisations que les médecins. La complémentarité des IPAs s’inscrit précisément dans cette approche holistique du malade. » 

Julie Devictor, infirmière en pratique avancée.
What's up pour les infirmier.e.s en pratique avancée en 2022 ?
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Le rôle des Infirmier.e.s en pratique avancée (IPA)

Au moment de sa création dans les pays anglo-saxons, cette fonction se déclinait en 2 rôles :

  • L’infirmier praticien qui exerçait un rôle clinique auprès du patient
  • L’infirmier clinicien spécialisé qui avait beaucoup d’activités transversales visant à renforcer les pratiques professionnelles et à apporter une expertise clinique

Ces rôles sont moins spécifiques aujourd’hui et la distinction n’est plus aussi claire même si l’infirmier praticien a souvent un accès direct à la population avec une possibilité diagnostique et d’initiation thérapeutique alors que l’infirmier clinicien intervient après une orientation médicale.

La France a fait le choix d’un modèle mixte. La loi de 2016 a créé le métier d’IPA. Le rôle des IPAs s’apparente plus à celui d’infirmier clinicien car en France les IPAs n’ont pas l’accès à la population. Cet accès nous fait cruellement défaut pour investir pleinement notre rôle.

Comment se former et quel sont les objectifs de ce cursus ?

La formation est un cursus universitaire de 2 ans qui délivre un diplôme d’état professionnel d’Infirmier en Pratique Avancée. Ce diplôme est accessible en formation initiale et en formation continue mais pour exercer en pratique il faut avoir au moins 3 ans d’expérience en équivalent temps plein en soins généraux (IDE).

La première année consiste en un tronc commun de connaissances alors que la deuxième oriente vers une mention à choisir parmi 5 possibles : 

  • Mention 1 : pathologies chroniques stabilisées ; prévention et polypathologies courantes en soins primaires
  • Mention 2 : oncologie et hémato-oncologie
  • Mention 3 : maladie rénale chronique, dialyse, transplantation rénale
  • Mention 4 : Psychiatrie et santé mentale
  • Mention 5 : Urgences

L’IPA n’est pas un métier différent de celui d’infirmier. Le socle est le même mais on le pratique de manière avancée grâce à des compétences élargies comme la possibilité de prescrire par exemple. C’est avant tout un outil au service du métier socle.

L’objectif de la pratique avancée est de transformer les systèmes de santé : donner un meilleur accès aux soins à la population en rendant les parcours beaucoup plus fluides. L’infirmier.e.en pratique avancée a un rôle pivot dans la prise en charge des patients avec deux missions clé :  une mission clinique auprès du patient et une mission transversale dans l’amélioration des pratiques et des parcours de soins (projet d’évaluation des pratiques, veilles documentaires, diffusion de données scientifiques, etc.)

Quel constat aujourd’hui ?

La pratique avancée a été lancée en 2016 et 2018 avec la parution des décrets. Ce modèle français a été construit de manière biomédicale avec des mentions construites par organe ou par pathologie. Or nous estimons qu’il faudrait repenser les mentions et les élargir en adoptant une approche populationnelle, comme c’est le cas aux Etats-Unis ou au Canada (soins aux adultes, soins aux enfants, soins primaires). Cela nous permettrait de nous inscrire sur l’ensemble du parcours avec des missions de prévention et de soins.

Il faut arrêter de morceler les parcours de soins. Les infirmier.e.s n’ont pas la même vocation de spécialisation que les médecins. La complémentarité des IPAs s’inscrit précisément dans cette approche holistique du malade.

La crise démographique à venir avec le vieillissement de la population et l’explosion des maladies chroniques rend nécessaire la réorganisation du système de santé. Il faut faire en sorte que les Français puissent se saisir de leur propre santé. Les IPA sont des acteurs clés via leur rôle de prévention et de promotion de la santé qui font partie du socle de notre métier.

Concrètement, cela ne pourra se faire que si nous adaptons notre modèle économique. Aujourd’hui, seul est financé le face-à-face avec le malade. Les actes de prévention (accompagner un fumeur qui veut arrêter, faire un accompagnement social) ne sont pas pris en charge alors que cela rentre tout à fait dans le cadre de nos compétences et aurait un impact certain sur le système de santé.

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La primo-prescription en 2022

L’IPA peut prescrire en première intention des médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale obligatoire, et peut renouveler ou adapter des prescriptions médicales obligatoires.

Ces prescriptions médicales obligatoires ne concernent pas uniquement les médicaments mais regroupent aussi les dispositifs médicaux, les soins infirmiers, les compléments nutritionnels, les prestations sociales, etc. 

Lorsque les IPA demandent l’accès à la primo-prescription, il ne s’agit pas de remplacer le médecin lors d’initiations thérapeutiques dans le cadre d’un diagnostic d’une pathologie. Mais les premiers retours terrain des IPA montrent qu’il nous manque des outils pour exercer pleinement notre fonction et que nous devons toujours faire appel aux médecins pour des prescriptions simples. Dans la pratique, on ne peut pas prescrire de compléments alimentaires chez un patient qui a un cancer et présente des problèmes de dénutrition. 

Autre exemple, la création de la mention Urgences fait de l’IPA un acteur de premier recours mais sans lui donner les moyens d’exercer des soins d’urgence (pas d’accès à la population). Il faut adapter le cadre législatif à la pratique des IPA et à ce qui fait la pertinence de leur fonction.

Les choses bougent malgré tout, et nous avons obtenu, suite à nos discussions avec les instances gouvernementales, la primo-prescription de manière expérimentale dans 3 régions et pour 3 ans. Mais cela reste une déception car nous demandions l’accès direct à la population qui est complémentaire de la primo-prescription. C’est une promesse du Ségur qui n’a pas été tenue.

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